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Un homme et une femme ; après le film, le roman

Laure Gombault revient avec un nouveau roman intitulé « Vis-à-vis », l'histoire d’une double libération, du corps et de l’esprit, qui s'érige en symbole de la réconciliation entre les hommes et les femmes.


Certains se consolent d’une mauvaise nuit par un sentiment d’exception : ils sortent du lot, tellement ils dorment mal ; c’est le narcissisme de la petite différence. D’autres se consolent de la vie en se nourrissant de livres pour mieux se retirer du monde. Dans les deux cas, l’instinct de survie prévaut ; on se raconte des petites histoires pour mieux vivre.


C’est de cela que traite Laure Gombault dans son roman « Vis-à-vis », paru le 3 février 2023 aux éditions Souffles Littéraires, maison d’édition associative créée par la Société littéraire de La Poste. Vivre au travers des livres ou bien descendre dans la rue et se confronter au monde ? La question se pose pour nos deux protagonistes, Samia et Victor. Tous deux vivent en appartement, en hauteur, ils se toisent d’un immeuble à l’autre, Rue de la petite-Pierre, dans le 11e arrondissement de Paris. Ils ne se connaissent pas alors ils se nomment l’un autre comme ils le peuvent : elle devient Virginia, et lui « l’autre homme ». Tous deux sont de grands blessés, des rescapés de la vie. Tous deux sont prisonniers à leur manière : lui de la guerre et de son syndrome post traumatique, elle du patriarcat traditionnel et d’Omar, son mari Marocain ; et de son enfant mort noyé dans un puits. Meurtris, cachés derrière leur fenêtre à se regarder, c’est l’art et la littérature qui les réunit, dans un habile cache-cache où l’on s’envoie des livres, où l’on laisse les mots voler vers l’autre tel des pigeons voyageurs. Roman en double “Je”, le texte se compose de cours chapitres qui alternent au rythme du point de vue de Samia et Victor, de « Il » et de « Elle ». Un va et vient entre les deux immeubles, une relation faite de regards cachés derrière des sentiments empêchés.

  • Elle : « Il aimerait sans doute se frayer un chemin dans mes pensées ».

  • Lui : « J’ai compris son impatience des livres. Comme moi, elle puise dans la littérature la force qu’il lui manque pour affronter la vie ».


Bon stratagème littéraire, cette alternance des points de vue. Exercice périlleux néanmoins, car on pourrait vite se lasser de cette sorte de duel épistolaire toutes les deux pages. C’est sans compter sur la langue de Gombaut – droite et précise, elle ne cesse de questionner ce qui agite ses deux personnages. J’ai corné beaucoup de pages et pris en photo plusieurs paragraphes qui sont autant de matière à relire et à penser. Il y a des éclairs de génie, des coups d’éclat littéraires incroyables. Je partage avec vous l’un de ces morceaux choisis :


« Toi, tu les aimes tellement, les mots, qu’il te faut les puiser au cœur des textes, leur extraire leur moelle, y arracher leurs vibrations sensibles, qu’ils te remplissent d’émotions, mais vois-tu, la littérature, ce n’est pas la vie, il faudra bien sortir de l’ornière des livres pour vivre, ne pas se contenter de regarder défiler celle des autres. Car l’espace de la page est un leurre, c’est l’espoir d’y trouver une phrase qui nous sauvera, et c’est vrai, elles nous sauvent, ces phrases, je ne le nie pas, moi-même je m’y accroche comme un désespéré, mais n’est-il pas temps que nous fermions nos livres, Virginia ».


Fermer les livres et vivre, malgré les accidents de la vie, malgré les doutes, malgré les peurs. Fermer les livres et vivre, malgré tout, telle est la proposition de Laure Gombault qui réussit le petit exploit de réhabiliter le concept de résilience désormais utilisé à tout va au point de devenir une « boursouflure sémantique » selon l’expression de Boris Cyrulnik.


Olivier Vojetta




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