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Il faut que l'on parle de Berline



Avec son roman intitulé Berline, Céline Righi s’inscrit dans une tradition littéraire française que j’affectionne tout particulièrement, celle du roman “en un bloc”, dans laquelle se sont illustrés Georges Perec ou Philippe Sollers, et plus récemment Alain Mabanckou, Matthias Enard ou même le nouveau venu Pierre Guenard et son Zéro Gloire. Il n’est déjà pas facile d’écrire une nouvelle réussie, on le sait, mais emmener son lecteur de la première à la dernière page d’un texte dit “long” est de l’ordre de la gageure. Bel exercise de style donc de la part de cette primo romancière qui parvient à tenir son lecteur en haleine jusqu’à la fin, avec un texte de facture classique, avec une unité de temps et de lieu. À la lecture de ce court roman de 120 pages cependant, et avec toute l’humilité qui me caractérise vous le savez (sic) car tout est affaire d’opinion et l’on peut toujours se tromper, je me demande si le roman n’aurait pas été encore plus fort s’il avait été écrit à la première personne du singulier. Outre le fait que le “je” nous aurait permit de plus facilement nous mettre dans la tête de cet homme bloqué sous terre suite à l’explosion d’une mine, ce point de vue intime nous aurait livré Fernand dans ses retranchements les plus extrêmes, les plus instinctifs, les plus Darwiniens j’oserais même dire. Au delà de ce que le regard omniscient peut nous apporter comme informations et anecdotes utiles. Car au final Fernand est seul, il en tête à tête avec la mine, avec lui-même, avec le peu de ce qui lui reste à vivre, dans un bassin houiller de charbon gras pas encore tari quelque part en Moselle, au Nord de la Lorraine. Il n’a besoin que de lui-même et des souvenirs qu’il convoque, un peu comme mon David dans Courir encore, ce père qui a perdu son fils et qui s’en va rejoindre la ligne de départ d’un marathon lesté de son flux ininterrompu de pensées et de toutes ses “pommes pourries” pour reprendre le leitmotiv de Céline Righi dans son texte. Il n’en reste pas moins que c’est un bon roman, avec un language à soi, un certain ton, des drôleries qui m’ont fait sourire, et de vraies belles phrases de littérature pour clore chacun des chapitres nommés “bloc” et numérotés de un à quatorze. Un roman en un bloc avec 14 blocs en guise de mini chapitres, une belle ironie que nous sert sur un plateau la talentueuse Céline Righi ! Bravo à elle, et j’attends avec impatience de lire le toujours très attendu deuxième bébé… O.V.


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