Entre la France et l'Australie, à la recherche d’une vie...
François Dominique - La liberté individuelle interprétée dans l’étonnant roman Kietu? par Laurie Kardan, voit son souffle apprécié par les nouvelles générations que le régime sécuritaire résurgent irrite.
Par OLIVIER VOJETTA
Dès les premières pages de ce roman envoûtant, je me suis senti personnellement et profondément interpellé. Une dédicace particulière, faite François Dominique à mon égard : « Pour Olivier, cette fiction réaliste : la Vie de Laurie Kardan, femme libre et combative. » Cette phrase résume à elle seule l’essence de l’ouvrage, mais aussi les profondes résonances qu’il évoque pour moi, un Nancéien ayant, comme Laurie, fait le grand saut vers l’Australie. Ce pays, où la liberté s’étend au-delà des horizons, est exploré ici avec une touche de mysticisme et une profondeur littéraire remarquable.
Laurie, géologue formée à Nancy, incarne cette soif absolue d’ailleurs. Ce livre, pour lequel je me suis tout de suite senti prédestiné, me fait sourire à la lecture de phrases comme « Ivan connaît les trésors cachés de Meurthe-et-Moselle » (page 56). Un trésor que, moi-même, amoureux de ma région natale, je n’ai jamais découvert. La relation entre Laurie et Ivan, son compagnon, se tisse au fil des pages comme une exploration géologique de leurs âmes, où chaque crevasse, chaque fissure révèle une vérité plus profonde.
L’Australie, quant à elle, apparaît dans ce roman comme un miroir déformé de l’âme. « Les natifs d’Australie n’ont pas besoin de miroirs pour se reconnaître. Ils se font mutuellement des tatouages et des peintures corporelles. » (p. 94) Cette absence de miroir chez les Aborigènes contraste fortement avec le mal des miroirs qui hante de plus en plus le monde actuel, les nouvelles générations en tout cas, celles des influenceurs, et également vous qui lisez cette chronique, peut-être ? Un mal qui, pour d’autres raisons, hante notre Laurie, une femme constamment en quête d’elle-même. Un récit mystique mené à pas de charge, où la nature omniprésente ne fait qu’amplifier la quête de vérité et de rédemption.
Chaque chapitre de Kietu? résonne comme une incantation messianique. L’écriture de François Dominique se déploie telle une litanie poétique, habillée de mystique, où les mots, comme le souligne si justement la page 136, « continuent de rôder un peu au-delà de la vie de ceux qui les prononcent ». C’est un roman d’apprentissage qui traverse les existences, tel un conte mystérieux et souterrain. On y trouve des échos de liberté, mais aussi de solitude. La nature elle-même semble être un personnage, omniprésente et indomptable. Puissante.
Le roman, avec son rythme soutenu et envoûtant, agit comme une incantation qui absorbe peu à peu le lecteur. Laurie Kardan, femme sans enfants, sans attaches, incarne à merveille cette modernité combative et sans excuses qui jure avec l’époque actuelle, marquée par le politiquement correct. Son féminisme, à la fois expansif et viscéral, défie les codes moraux contemporains, tout en s’affirmant comme une déclaration d’indépendance radicale.
Au final, Kietu? est un roman important qui pose la question de l’identité, du voyage, et de la liberté dans un monde où les repères traditionnels s’effondrent. À travers ce récit à la fois intime et universel, François Dominique nous rappelle que la quête de soi est un combat qui, parfois, ne se résout que dans le mystère.
Par Olivier Vojetta
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