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Petite critique littéraire inopinée de BettieBook (2018), de Frédéric Ciriez.


À Stéphane Sorge, alias “SS”, alias “Super Style”, critique littéraire éminent et anti-héros de romans noirs à ses heures perdues.

Stéphane Sorge, “c’est lui qui a dit à un écrivain diplômé d’HEC [...] : Allez vendre vos livres au lieu de les écrire.” Dès la troisième page, le ton est donné. Moi-même issu de la filière Prépa HEC et apprenti écrivain, j’aurais pu me vexer et refermer le livre tout de go. Mais non, pour avoir pratiqué Frédéric Ciriez lors d’un atelier d’écriture l’été dernier à Paris, je ne m’attendais à rien d’autre. Ton acerbe, piques assassines, intelligence au service d’une littérature contemporaine novatrice, drôle, avec des phrases qui restent en bouche un long moment. “Tu me manques. Il nous faut du temps. Comme avant. Pour toi, je suis prêt à moins lire.” Et des fragments lancinants qui par leur répétition nous montrent le chemin à suivre : se presser de mot en mot, se ruer vers la prochaine phrase, tourner les pages à la hâte. Tantôt Stéphane Sorge vapote, tantôt il lit la revue Détective ou bien alors “étrangle doucement”. Tantôt SS, tantôt Super Style...

Mais les phrases, le langage, la langue, ce n’est pas tout. Ce qui caractérise ce roman de Frédéric Ciriez - comme tous les autres, d’ailleurs - c’est d’abord sa forme hybride, sorte de structure caméléon alternant critiques littéraires, procès verbaux de police, interviews et autres e-mails. Même en lecture aveugle, il suffirait de parcourir quelques pages d’un de ses livres pour savoir que c’est lui qui l’a écrit. N’est-ce pas là la véritable marque du talent ?

O.V.

P.-S. Cette critique s’arrêterait ici si je ne connaissais pas l’auteur. S’il la lit, je sais qu’il appréciera à sa juste valeur cette saillie faisant office de conclusion...

Au final, ma seule véritable question m’est venue à la page 123, au cœur de la pièce de la résistance, véritable colonne verticale du récit, une scène de séduction perverse, d’amour un peu gauche, et de sexe façon SM. “Il tressaille, les naseaux dilatés et la bouche ouverte, à la recherche d’air sous le masque qu’il ne supporte plus alors que ses testicules tapent en cadence les fesses de la Souris.” Après une succession de cinq ou six positions pleines de souplesse, de longues sessions de coït intense et ininterrompu, ma question a giclé d’un coup sur les parois de mon cerveau : Comment un Chat vieillissant comme Stéphane Sorge, un peu fatigué de la vie et de lui-même - à l’image des anciens médias qu’il symbolise face au robot digital doté du don d’ubiquité - peut-il se retenir aussi longtemps face à une vigoureuse Souris tout juste installée dans la vingtaine ? À Frédéric Ciriez de nous le dire...


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